De la durée du travail dans les collectivités territoriales

Publié le par modem08

Dans l’actualité de « La Gazette des communes, des départements et des régions » du 10 novembre 2008, paraît une information qui ramène quelques mois en arrière. L’encart est intitulé : Les agents « dans le temps ». En voici la teneur :

« Les cinquante-cinq agents de Villedieu-les-Poêles (4 150 hab., Manche) travailleront davantage en 2009 : 1 607 heures contre 1 554 heures en 2008 [1]. Motif de la décision : replacer la municipalité dans la légalité et montrer clairement à la population que les personnels municipaux font leur temps de travail comme tout le monde ».

Comme tout le monde, pas tout à fait ! Il reste de nombreuses collectivités territoriales françaises où la loi n’est pas respectée ; à commencer dans les Ardennes par le chef-lieu, excusez du peu puisqu’il s’agit de la première Ville du Département, tant administrativement que démographiquement. La délibération du Conseil municipal du 10 décembre 2001 décide du : «  maintien à 1 540 heures de la durée annuelle de travail effectif des agents à temps complet », comme cela fut communiqué durant la campagne des élections municipales par la liste MoDem, délibération en question à l’appui.

Villedieu-les-Poêles, voilà donc une Commune qui a su restaurer le droit. Le mérite en revient très probablement autant à ses élus qu’à ses agents.

Malgré la complexité du statut de la Fonction publique territoriale et de certaines de ses lourdeurs voire de ses incohérences, il est évident que son application certes stricte, mais aussi intégrale est le gage de l’équité entre les agents territoriaux et surtout de leur crédibilité aux yeux de la population d’une part, des autres fonctions publiques (Fonction publique d’Etat et Hospitalière), et au-delà de tous les travailleurs en général, d’autre part.

Si l’on se doit donc d’accorder à chacune et à chacun des agents territoriaux l’intégralité de ses droits statutaires, il importe de se souvenir, selon la formule consacrée, que les droits impliquent corrélativement des devoirs, à commencer par le respect de la loi. Dans le contexte actuel, encore faut-il de part et d’autre, en avoir le courage et l’honnêteté puisqu’aujourd’hui la délibération contrevenante n’est plus guère juridiquement attaquable.

En effet, le recours pour excès de pouvoir pour violation de la loi est enfermé dans le délai de deux mois, règle générale et impérative consacrée par le droit administratif. Même l’autorité en charge du contrôle de légalité ne peut plus intervenir, sauf à considérer cette délibération, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, sous l’angle de la théorie de l’acte détachable, à l’occasion d’un recours de pleine juridiction concernant un acte qui s’appuierait sur la délibération en question. Dans le même contexte mais dans une moindre mesure, la remise en cause pourrait survenir par la voie de l’exception d’illégalité le plus souvent devant les tribunaux de l’ordre judiciaire.

Dans les faits cette délibération conservera donc toujours une valeur juridique précaire puisque le risque d’un recours en annulation subsistera en de nombreuses occasions, laissant ainsi planer en permanence une insécurité juridique, si minime soit-elle, et donc une part d’incertitude pour les agents communaux.

Autant dire que l’illégalité a été entérinée dès l’origine, par l’absence d’intervention du contrôle de légalité avec au besoin un recours contentieux. Désormais, seule la volonté des acteur locaux ou l’initiative de l’autorité de contrôle peut rétablir la légalité. C’est là sans aucun doute, l’une des failles de notre droit administratif français, si particulier.

Michel TONON
Directeur général de Services municipaux honorai
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[1] Rappelons que la loi sur les 35 heures qui est d'ailleurs assez sibylline, peut se résumer en une obligation de travail annuellement fixée à 1 600 heures effectives, plancher-plafond.

Publié dans Collectivités locales

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V
Je n'ai jamais vu l'Etat montrer l'exemple en matière de droit, c'était d'ailleurs le dernier à appliquer les 35 heures. Il faut croire que l'adage "l'exemple vient d'en haut" est infondé, en tout cas cela fait un bout de temps qu'il n'est plus à la mode. Merci de nous demander de nous serrer la ceinture (ben oui c'est la crise non?) quand on s'envole en vacances au soleil en amérique du sud....
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J
A croire que la principale occupation du pouvoir politique est de faire des lois sibyllines, inaccessibles à la plupart des citoyens, et permettant ainsi toute illégalité.<br /> A quand la refonte de tout ce système ?<br /> Joëlle
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