La langue de bois des charmeurs de citoyens
La langue de bois est plus ancienne qu’on ne le pense. Elle exprime une sensation claire, une sorte de stéréotype de la phraséologie. Ce n’est pas tout à fait la « pensée unique » mais un curieux mélange d’idéologie fixe, mécanique et dogmatique à la fois, dont l’élu (droite ou gauche) reste un modèle parfait.
Cette langue de bois fonctionne à travers des repères quasi consensuels dans lesquels se reconnaissent les adeptes. Il n’est pas nécessaire de posséder telle ou telle opinion, le système fonctionne sans références possibles, il y a affrontement selon la même méthode mise au point dans le plus parfait mépris de la syntaxe ou de l’intelligibilité des mots.
Nombreux sont les politiciens de notre génération qui en demeurent les partisans les plus habiles, mais comme cela s’avère contagieux, d’autres en utilisent les ingrédients.
Est-ce une forme de délayage verbal que nos instituteurs fustigeaient en nous répétant « assez de bla-bla, jeune homme » ou est-ce le domaine incontrôlable du « parler pour ne rien dire » ?
En quelques années, les phrases plates avec des mots vides, à droite comme à gauche, ont pris la relève du discours honorable des politiciens humanistes que nous sommes.
BERNANOS affirmait que l’homme public se devait d’employer « la langue des plus démunis », c'est-à-dire celle que nous comprenions.
Parler pour le peuple c’est parler comme lui, sinon c’est la mort du débat démocratique.
Donner des exemples serait vain, il suffit de lire certains journaux, réputés pour rendre intelligents ceux qui parviennent à les lire.
Des mots nouveaux apparaissent, anglicisés ou non, des mots traditionnels prennent un sens inédits, des adjectifs sortent de l’anonymat et se gonflent d’une interprétation jusque là ignorée, le tout se mélange comme dans une salade où se retrouvent des ingrédients inattendus.
Mais au bout de cela que reste-t-il, sinon la définition même de ce qui s’avère insipide ?
Le pire est ailleurs, au-delà de la fumisterie du populaire baratin. La langue de bois qui pourrait se contenter de ne rien dire, envahit les cénacles de ceux qui ont des choses à dire.
Pris en otage par la culture médiatique ambiante, leurs mots se transforment en boursouflures idéologiques et, à leur tour, ils tombent dans la phraséologie inefficace.
Le phénomène n’a rien d’original, tous ces adeptes ne parlent pas mais s’écoutent parler.
Le défaut dont les conséquences sont graves, c’est que plus personne n’entend. La vérité comme le mensonge tombent dans la même indifférence méprisante.
C’est le temps des idoles, des charmeurs de Citoyens, des beaux phraseurs, des tribuns écervelés et des démagogues dont le verbe sonne bien à nos oreilles.
Le problème, c’est que ce langage qui n’est pas le nôtre, ne correspondra jamais à nos aspirations et encore moins à celles de nombreux citoyens.
C’est le langage des carriéristes de la politique qui travaillent pour le « paraître », en vue de la prolongation maximale de leur carrière, en ignorant le « être » de la vertu du travail pour autrui, sans retour particulier. C’est pour cette raison qu’il existe un nombre important d’abstentions lors de chaque élection.
Pierre LECLERCQ
MoDem Ardennes