Entre deux chaises
L’intervention des forces armées françaises en Afghanistan trouble la pensée des Français. Chacun se questionnant sur le bien fondé de cette présence qui coûta la vie à quelques uns de nos soldats.
Lors de la venue de François BAYROU à Reims le 3 décembre dernier, il répondait à une question en précisant que combattre en Afghanistan signifiait lutter contre le terrorisme, la drogue et finalement se battre pour la liberté.
Fort de ces raisons, le Président de la République, Chef des Armées, décida en juin de compléter la présence militaire en Afghanistan dans des secteurs où la Grande Bretagne et le Canada avaient connu de grosses pertes humaines les mois précédents. Sous commandement OTAN, c'est-à-dire quasi américain, nous renforcions ainsi l’est et le nord du pays par l’envoi de troupes terrestres en grosse majorité.
S’en sont suivis en août les faits que nous connaissons.
Bien qu’un militaire soit un professionnel de la cause armée et que son devoir consiste en la représentation par la force de la France partout dans le monde, il n’en reste pas moins un soldat que son pays doit équiper et préparer correctement pour que sa mission soit bien accomplie.
Ainsi nos unités terrestres spécialisées et entraînées pour ce genre d’opérations (Troupes de marine, troupe aéroportées, légion étrangère…) sont-elles dans de bonnes conditions pour combattre ? Une autorité militaire obéira aux ordres mais il est difficile pour elle d’envoyer au feu des hommes et femmes si les conditions de défense et de combat ne sont pas suffisantes par rapport aux forces adverses.
Il ne s’agit pas là du procès de la formation initiale du combattant militaire du rang qui n’est pas à remettre en cause – en opposition à celle des cadres officiers, par exemple, où des stages à l’étranger ou à HEC sont programmés au dépens de la préparation opérationnelle - mais bel et bien de l’état des lieux du matériel et de l’armement français. La France seule avec les restrictions budgétaires qu’elle connaît pourra-t-elle suivre pendant encore longtemps ce type d’intervention ? Pour les raisons humaines, il le faut. Le budget alloué à la défense est le seul qui n’a pas diminué d’une année à l’autre. Il faut simplement dépenser autrement.
Il y a quelques jours, 250 talibans attaquaient deux entrepôts logistiques de l’OTAN. Un bon choix stratégique de l’adversaire. A ce jour, les pistes et secteurs ne sont pas tous reconnus ou sécurisés. La frontière avec le Pakistan n’est pas abordable et les conditions de combat s’approchent plus de celles de troupes de montagne que des troupes de marine.
Alors à cette situation deux possibilités : rester en tant que Force française sous commandement OTAN dans ces conditions et retenir l’avancée de l’ennemi pour retarder une défaite qui ne sera jamais annoncée ou bien intervenir définitivement en masse puisque la guerre existe. Cette dernière solution nécessiterait l’envoi de nombreuses forces supplémentaires avec des opérations militaires classiques que tout régiment sait faire mais qu’aucune nation ne peut faire seule. Une guerre se gagne par l’occupation du terrain, donc au sol. C’est pourquoi ces forces seraient essentiellement terrestres mais nécessiteraient des appuis d’ordre maritime et aérien. On reparle du retour au niveau opérationnel du PAN Charles de Gaulle, des avions Rafale, de la bonne conduite des chars Leclerc au Liban… quelle vitrine pour l’Etat français ! Tout cela aurait un coût mais les raisons en valent la peine et je crois en la capacité morale et mentale des forces.
Enfin si la France n’intervient pas seule, elle pourrait le faire comme état fort de l’Union Européenne sous drapeau européen. Mais L’Europe de la Défense est encore jeune voire embryonnaire. Défense européenne : mythe ou réalité ? Le sujet est ouvert…
Jérôme BARRÉ
Vice Président du Modem Ardennes