A petits pas vers plus de fédéralisme européen
La crise grecque aura au moins eu le mérite d’obliger les dirigeants européens à aller vers plus de fédéralisme dans la politique de l’euro. Le dommage est que les responsables nationaux y aillent contraints et forcés, au lieu d’y aller avec conviction et enthousiasme. Tout le monde sait qu’on ne peut avoir de monnaie commune sans une politique financière commune. Après avoir été plutôt hostile à toute rigueur, comme en septembre 2003, lorsque Jean-Pierre Raffarin n’a pas hésité à sortir des critères de Maastricht en préférant baisser les impôts et augmenter le déficit, Nicolas Sarkozy se pare en 2011 des habits de la rigueur, et se montre, à juste titre, défenseur de la solidarité européenne. De son côté, Angela Merkel a freiné les efforts de solidarité et a tout fait pour limiter les transferts de pouvoir vers le niveau européen. Les français ont trop longtemps refusé les contraintes budgétaires, et les allemands sont trop vite retombés dans un souverainisme orgueilleux, dangereux pour l’Europe. Est-il possible de concilier les politiques des cigales avec celles des fourmis ? Seule une politique communautaire forte avec des instruments de contrôle budgétaire forts, peut permettre aux cigales de rester raisonnables et aux fourmis de se montrer plus solidaires. La politologue allemande Ulrike Guérot fait ressortir l’évolution intéressante du gouvernement allemand, qui est passé « d’une logique punitive très ancien testament à une logique de pardon et d’aide plus proche du Nouveau Testament. Barack Obama, a bien compris que la crise de la zone euro pouvait avoir des effets induits négatifs sur l’économie américaine au moment où elle est, elle-même, très fragilisée. Il a donc appelé longuement Angela Merkel pour la convaincre de faire des concessions. De son côté, Nicolas Sarkozy a accepté que les banquiers soient mis à contribution, mais il n’a, hélas, pas pu obtenir une taxe sur les transactions bancaires.
Tous les commentateurs s’accordent à dire que l’Europe dépend de la force du couple franco-allemand et de la reconnaissance de leaders européens. Jacques Julliard titre son éditorial de « Marianne » : « Sarkozy, Merkel : mariez-vous vite ! » Il écrit notamment : « Nous sommes donc condamnés à régresser dans le nationalisme monétaire et politique, à moins de consentir un pas de plus dans la voie d’un gouvernement économique commun…Ni Merkel, ni Sarkozy ne sont, hélas, de grands Européens. Peut-on espérer que la gravité du danger finira par leur tenir lieu de conviction ? » De son côté, Dominique Seux, dans « Les Echos » titre son éditorial : « L’Europe a besoin d’un patron » et il écrit : « Une nouvelle fois, en réalité, cette période met en lumière les failles criantes de la gouvernance européenne. Au total, le seul patron est Jean-Claude Trichet, qui parle au nom de l’Europe et refuse le très à la mode « tout est fichu » sur l’euro…A côté des dirigeants nationaux, des responsables politiques de niveau européen doivent émerger d’urgence. Le traité de Lisbonne a réformé les institutions de l’Union. En vain. Pour une raison limpide : les organigrammes les plus sophistiqués ne peuvent se substituer à des personnalités fortes, reconnues comme telles, capables de les entraîner et d’entraîner les 331 millions d’utilisateurs de l’euro. Plus que jamais, le Vieux Continent a besoin de nouveaux pères fondateurs».
Pour Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d’analyse économique, qui écrit dans « Le Monde » sous le titre : « Crise de la dette : soit la fédéralisation, soit l’éclatement ! » le problème de l’euro est clair : « C’est une zone cassée en deux. Non seulement la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale, mais elle n’est pas dotée d’un gouvernement économique avec un budget fédéral opérant des transferts automatiques entre les pays en bonne santé et les autres, ainsi que ce mécanisme fonctionne aux Etats-Unis grâce au puissant budget fédéral américain. De plus, et surtout, la zone a divergé avec deux groupes de pays : le premier centré autour de l’Allemagne a choisi, il y a 10 ans, un modèle de développement économique fondé sur l’industrie et l’exportation, qui produit des excédents extérieurs de 4% du PIB, tandis que le second groupe, centré sur la France, l’Italie et l’Espagne, a choisi un modèle fondé sur la consommation et les loisirs qui donne un déficit de 2 à 4% du PIB. En France, qui plus est, la consommation est tirée par une dépense publique financée par le déficit, c'est-à-dire l’emprunt. » Les résultats obtenus à Bruxelles jeudi soir sont donc positifs, mais encore très insuffisants.
J’ai connu au Conseil régional deux types de politique budgétaire : celle de l’UMP qui consistait à ne pas augmenter l’impôt et à financer les investissements par des emprunts à long terme, c'est-à-dire en augmentant très fortement la dette, et celle de la gauche qui consistait à augmenter les impôts tout en augmentant la dette, plus faiblement certes que l’UMP, mais en refusant de réduire sensiblement les dépenses de fonctionnement. (11 vice-présidents + 2 conseillers avec délégations, contre 7 en 1986 sous Bernard Stasi). De mon point de vue, et je l’ai publiquement exprimé à de nombreuses reprises, il faut financer les investissements par les impôts, et réduire les dépenses de fonctionnement, pour parvenir à un désendettement progressif. La crise grecque montre bien qu’il faut ces deux leviers. Aux Etats-Unis, le débat est le même. Il faut que les républicains acceptent d’augmenter les impôts pour prélever plus sur ceux qui ont plus, et que les Démocrates acceptent de modérer les dépenses de fonctionnement, tout en préservant les dépenses sociales de solidarité. Cela semble simple et de bon sens, mais le bon sens est rarement la voie choisie par les responsables politiques.
Jacques JEANTEUR
Mouvement Démocrate