Au-delà des revirements

Publié le par modem08

Libye - drapeau of Libya (1951) svg

Comme l’écrit Claude Imbert, dans « Le Point » : « Sarkozy caracole dans la porcelaine européenne pour chasser un tyran qui, invité avec sa propre tente, se faisait, il y a trois ans, baiser les babouches à la porte de l’Elysée. Contre lui, voici maintenant Sarkozy en boutefeu de la croisade. On le préfère ainsi. Mais sa diplomatie de tréteaux nous a  surexposés. Elle nous contraint à réussir. Peut-être, croisons nos doigts, pour le meilleur ! Mais n’oublions pas qu’après la Lybie décomposée, c’est tout le Proche-Orient qui devra se recomposer. Un vaste remue-ménage où nous ne gagnerons pas à trop jouer « perso ». Juppé, si l’Elysée trouve son téléphone, n’y sera pas de trop… ». En son temps, j’avais vivement critiqué les honneurs rendus à Kadhafi lors de sa visite à l’Elysée. Je ne le regrette pas, mais je me sens d’autant plus libre pour apprécier la position prise par la France devant le Conseil de Sécurité. Au-delà du revirement de Sarkozy, qui comporte sans doute des arrière-pensées électorales, il faut saluer le courage de la décision du Conseil de Sécurité. Le problème n’est pas de savoir qui en a été à l’origine, ni quels sont les avions qui sont intervenus les premiers. L’important est la rapidité avec laquelle on vient en aide aux résistants, et quel message d’espoir on fait passer au peuple libyen opprimé. J’avoue avoir été plus que déçu par l’abstention allemande. Comment peut-on tergiverser, quand on a connu le fascisme et quand il s’agit de sauver un peuple et sa jeunesse de l’oppression d’un dictateur sanguinaire, qui parle d’exterminer tous ceux qui ont eu le courage inouï de se révolter ? Il n’est jamais trop tard pour stopper un génocide, mais, plus on agit tôt et vite, et plus on sauve de vies humaines. Jean Daniel, à son retour de Tunisie, parle dans « le Nouvel Observateur », « d’un équilibre instable avec tous les dangers, tous les risques, toutes les angoisses que cela comporte. C’était en effet la stabilité qui faisait la force du despote et qui était partout louée. Une stabilité de l’ordre qui assurait en permanence au régime une lâche solidarité des alliés, des voisins, et des gouvernements européens ». A titre personnel, je pense que l’équilibre instable peut être source de libération, de progrès et donc d’espérance. Le pluralisme peut inquiéter les partisans de l’ordre, car on ne voit pas dans la résistance libyenne de ligne de force claire. Toutefois, l’important, lorsque les droits de l’homme sont en jeu, c’est la parole libre, première étape après l’omerta et la lâcheté. La lutte pour la liberté et la dignité de tous les peuples doit être constante, tout comme la lutte pour la dignité de chaque personne humaine et le respect de sa parole libre.

Partout, il faut dénoncer les violations des droits de l’homme et la corruption des pouvoirs dictatoriaux. Le printemps arabe doit être célébré comme une espérance et non comme une crainte. Les exemples de la Tunisie, de l’Egypte et, souhaitons-le demain, de la Libye sont des encouragements à soutenir la jeunesse de ces pays. Jean Daniel, parlant des enthousiasmes et des promesses, mais aussi des angoisses et des responsabilités d’une jeunesse tunisienne qui a enchanté le monde, conclut ainsi son article : « Un échec de la grande aventure tunisienne serait désastreux, non seulement pour la Tunisie, non seulement pour le Maghreb ou même pour le monde arabe, mais pour la Méditerranée tout entière, et peut-être surtout pour notre capacité à croire en l’homme révolté ». L’homme révolté contre les injustices et les atteintes à la liberté de parole, de pensée et de croire doit toujours être soutenu et défendu.

Un récent sondage mené par « La Croix » dans 5 grands pays de l’Europe de l’Ouest (France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne et Italie) montre une certaine inquiétude. Le sentiment de crainte est dû surtout au fait que l’on avait souvent montré les dictatures arabes comme les seuls remparts possibles à l’Islamisme, et l’on développait la thèse de l’impossibilité d’instaurer la démocratie dans ces pays. A la question : « Pensez-vous que les évènements qui se produisent depuis plusieurs semaines dans différents pays arabes vous inspirent plutôt de la crainte ou de l’espoir ? », les réponses sont : en France, 53% de la crainte et 39% de l’espoir, au Royaume-Uni :53% et 25%, en Allemagne : 48% et 45%, en Espagne : 66% et 29% et en Italie : 76% et 21%. Ils y voient une crainte forte de l’augmentation du nombre d’immigrants originaires de ces pays en direction de l’Europe (91% en Italie, 87% en Allemagne, 83% en France, 82% au Royaume-Uni et 78% en Espagne). Toutefois, ces cinq pays privilégient nettement l’aide au développement et à la stabilisation afin de fixer sur place les populations, par rapport à un renforcement des contrôles aux frontières et une lutte contre l’immigration clandestine (64 contre 27% en Allemagne, 61 contre 33% en France, 53 contre 37% en Espagne, 53 contre 26% en Italie et 50 contre 39% au Royaume-Uni). Comme l’aspiration première des jeunes des pays du printemps arabe est à 92% de vivre en démocratie (sondage de l’agence Burson-Marsteller), nous devons tout faire pour les aider à bâtir cette démocratie, meilleure façon de conjurer nos peurs. Il faut donc en finir au plus vite avec Kadhafi et son entourage sanguinaire, pour pouvoir aider ensuite le peuple à mettre sur pied un régime et une constitution avec un vrai pluralisme. Seule la parole libre et le respect de la dignité de chacun permettra de transformer ce rêve en réalité.

                                                   Jacques JEANTEUR

                                                 Mouvement Démocrate

 

Publié dans Monde

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