Collectivités locales : baisse des dotations de l'Etat
La Gazette des Communes, des Départements et des Régions
Le quotidien du mercredi 13 février 2013
Les collectivités deviennent la variable d’ajustement
des comptes publics
Le gouvernement a confirmé lors du Comité des finances locales (CFL) du 12 février 2013 que les concours financiers de l’Etat aux collectivités locales baisseraient de 1,5 milliard d’euros en 2014 et de la même somme en 2015 alors que la loi de programmation des finances publiques votées il y a à peine deux mois prévoyait des baisses de 750 millions d’euros sur ces deux années. Les collectivités deviennent ainsi la variable d’ajustement des comptes publics dans l’objectif du gouvernement de retour à l’équilibre.
« La déception et le mécontentement ont caractérisé la plupart des interventions » lors du CFL, rapporte André Laignel, son président. Ce dernier avait déjà assez peu goûté de découvrir cette baisse et son annonce au CFL dans la presse… alors que le gouvernement n’a demandé que le 11 février 2013 à s’exprimer devant les élus.
« Le souhait unanime du comité est de ne pas avaliser les décisions du gouvernement et d’ouvrir très rapidement une véritable négociation », indique-t-il. Déjà, lorsque le CFL avait appris, fin septembre 2012, l’intention du gouvernement de baisser les dotations de 750 millions d’euros en 2014 et 2015, un groupe de travail avait été mis en place afin de convenir des rééquilibrages possibles. Celui-ci s’est réuni à deux reprises et si les élus ont fait part de leurs demandes, l’Etat n’a apporté aucune réponse.
Ce sont donc finalement 1,5 milliard de concours de l’Etat qui pourraient être supprimés en 2014, puis en 2015, afin de participer au financement du crédit d’impôt compétitivité emploi. Cet « effort » est « proportionné par rapport au poids des administrations locales dans l’ensemble des dépenses publiques (20 %) », fait valoir le gouvernement.
Pour 2014, André Laignel prévoit un « effet de ciseau massif » entre le 1,5 milliard d’euros en moins et une hausse des charges pesant sur les acteurs publics locaux (rythmes scolaires, cotisation à la CNRACL, hausse de la TVA, etc.) de près de 2 milliards d’euros selon ses estimations.
Pour lui, la question centrale est : « est-ce potentiellement supportable par les collectivités sans remettre en cause leurs investissements ? ».
Ouverture des discussions - A peine la réunion du CFL achevée, les ministres de l’Economie et de la Décentralisation, Pierre Moscovici, Marylise Lebranchu, Jérôme Cahuzac et Anne‑Marie Escoffier, ont annoncé « l’ouverture des discussions avec les élus sur le pacte de confiance et de responsabilité ».
« Un pacte veut dire une négociation en amont et qu’un équilibre est trouvé entre les responsabilités des uns et des autres, souligne le président du CFL. La méthode donne le sentiment que les conditions ne sont pas réunies ».
Parmi les « orientations permettant d’améliorer les relations financières entre l’Etat et les collectivités », le gouvernement « propose » :
- un groupe de travail Etat-département sur les financements des allocations de solidarité déjà installé le 28 janvier,
- un renforcement de l’autonomie fiscale des régions qui devrait être prévu par le nouvel acte de décentralisation,
- la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et d’habitation,
- un allègement des normes,
- un renforcement de la péréquation
- et une amélioration de l’accès au crédit.
Autant de sujets prévus de longue date, certains déjà votés et dont les conséquences sur les collectivités restent parfois incertaines. « Plus les ressources baisses, plus il est difficile de faire de la péréquation », note également André Laignel.
Concernant la baisse des dotations de l’Etat, les ministres se sont engagés à ce que « la contribution des collectivités territoriales au financement du pacte soit équitablement réparties entre elles, selon des modalités qui seront discutées au CFL ».
Ils annoncent déjà que « l’architecture de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne serait pas bouleversée en 2014 afin de ne pas effectuer de changements trop importants sans prendre le temps de la concertation ».
Variable d’ajustement - La communication du gouvernement fait curieusement écho au discours du Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui présentait au même moment le rapport annuel de la Cour.
« Les mesures annoncées [par l’Etat] pour 2013 représentent un effort considérable et même sans précédent.
Cependant, l’objectif de déficit effectif de 3 % n’a que peu de chances d’être atteint, en raison notamment du niveau de croissance vraisemblablement inférieur aux prévisions ».
Les magistrats considèrent tout d’abord que concernant les recettes, le gouvernement a « retenu des hypothèses techniques trop favorables sur leur produit ». Ensuite, du point de vue des dépenses, la loi de finances vise leur stabilité, hors intérêts et pensions (soit une hausse de 1,2 milliard d’euros).
Didier Migaud insiste sur « la nécessité de faire porter désormais l’intégralité de l’effort de redressement jusqu’au retour à l’équilibre sur la seule maîtrise des dépenses».
Message reçu par le gouvernement qui a trouvé avec les dotations aux collectivités une parfaite variable d’ajustement budgétaire.
En effet, comment ne pas interpréter ainsi la décision de doubler « l’effort » qui allait peser sur elles tandis que les hypothèses économiques se dégradent au fil des mois ?
Et tant pis pour l’engagement 54 du candidat Hollande : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’Etat et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel ».
Si la solidarité sera bien au rendez-vous, le gouvernement risque de perdre la confiance.
Les associations d’élus réagissent
En réaction à cette baisse supplémentaire des dotations à venir, l’Association des maires de France évoque « un coup de massue sans précédent contre les collectivités».
« Le gouvernement doit avoir pleinement conscience que chaque coupe budgétaire au niveau national implique autant d’arbitrages dans les budgets locaux. Très concrètement, cette baisse des dotations aura un impact direct sur les services à la population (au risque d’en diminuer la qualité), sur l’investissement public et donc sur l’économie locale ».
Pour Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, l’annonce du gouvernement « a provoqué une vive émotion voire de la colère chez un certain nombre d’élus » et il considère qu’elle « aurait dû être gérée différemment, sur le fond comme sur la forme. »
« La confiance doit se construire et la négociation entre les partenaires publics est le seul moyen pour l’instaurer ».
« Nous avons été hélas peu surpris par l’annonce faite par le gouvernement d’un doublement de l’effort demandé aux collectivités pour 2014-2015, qui traduit l’état des finances publiques et l’exigence de retour à la compétitivité de l’économie de notre pays », indique pour sa part Martin Malvy, porte-parole de l’Association des régions de France qui demande au gouvernement de « préciser ses intentions et son calendrier » concernant le renforcement de l’autonomie fiscale des régions.
Jean-Claude Boulard, président de la commission des finances de l’Association des maires des grandes villes de France, estime que la baisse des dotations annoncée constitue « un recul historique des dotations risquant de conduire à une réduction des investissements locaux porteurs d’emplois ».
La conjonction du recul des dotations et de l’accroissement des charges va poser « des problèmes très lourds au budget 2014 des collectivités locales », précise-t-il.
« Surprise par l’ampleur du nouvel effort demandé aux collectivités locales, la Fédération des villes moyennes accueille ces orientations avec la plus grande gravité, dans la mesure où celles-ci bouleversent leurs relations financières avec l’État, et mettent à mal le niveau de « ressources propres » garanti par la Constitution ».
L’Association estime que le pacte proposé est « sur la forme particulièrement fragile et contestable, dans la mesure où l’État impose en permanence, des normes et de nouvelles dépenses au secteur communal ».
L’association des petites villes de France fait elle « valoir la situation particulière dans laquelle les petites villes risquent de se trouver. Leurs budgets sont faibles et sans élasticité. Leurs investissements dépendent largement des soutiens que leur apportent les départements et les régions. C’est donc la double peine qui les menace et nous ne manquerons pas d’appeler l’attention du gouvernement ».