De la vérité en politique
Quelques jours avant la démission de Jérôme Cahuzac et la mise en examen de Nicolas Sarkozy, François Bayrou a sorti son dernier livre: « De la vérité en politique ». Il fait suite à « Relève » en 2001, « Projet d’espoir » en 2007, « Abus de pouvoir » en 2009, « 2012, état d’urgence » en 2011 et « La France solidaire » en 2012. Au cours de ses trois campagnes présidentielles, François Bayrou n’a eu de cesse de dire la vérité sur la situation de notre pays et de proposer des solutions pour le redresser. Fort de son indépendance et de sa non compromission à aucun des camps, il dénonce avec obstination les dérives du pouvoir et la démagogie de ceux qui l’exercent. Ce nouveau livre est clair et précis. Il le dédie à « la mémoire de ceux qui firent de la vérité une politique, en particulier Pierre Mendès France et Raymond Barre ». Dans son introduction, il explique son but : « La thèse de ce livre est que la vérité dite au peuple, partagée avec le peuple des citoyens est la clé de tout redressement... Garder les yeux ouverts pour ne rien céder aux illusions, définir des réponses pratiques, mobiliser les volontés, écarter les divisions qui paralysent : telle est en quatre points ma ligne de conduite…La vérité en politique n’est pas seulement une vertu civique. Elle est devenue, contrairement à ce que croient les cyniques ordinaires, la condition même de l’adhésion des citoyens, donc de l’exercice utile et efficace du pouvoir ». Tout le monde a constaté la corruption érigée en mode de gouvernement sous Mitterand, Chirac et Sarkozy. Tout le monde constate le flou du comportement de François Hollande, en grande partie liée aux comportements irresponsables de ses alliés écologistes ou d’extrême gauche. On comprend facilement pourquoi les français sont les champions du pessimisme.
Pour Roland Cayrol, directeur de recherches au centre d’études politiques de Sciences-Po, la suspicion est générale à l’égard du monde politique. « Pour beaucoup de français, la corruption et les affaires font partie intégrante du folklore politique…Chaque nouvelle histoire conforte ainsi l’idée que la politique sert d’abord à se partager le gâteau ». Ce réflexe du « tous pourris » est source de désespérance. Pourquoi aller voter puisque l’on sait que la gauche comme la droite nous mentent et n’ont qu’une idée en tête : se servir, eux et leurs inféodés. Est-il donc impossible d’avoir le souci du bien commun et le respect du pluralisme des idées ? Pourquoi des hommes comme Mendès France, Barre ou aujourd’hui Bayrou ne sont pas choisis par les français ? J’avoue que mon engagement total sur ce souci de vérité, de justice sociale et de respect de chacun n’a pas été une réussite. Je m’interroge souvent sur mes 24 années passées au Conseil Régional. Je m’y suis senti très seul à défendre des projets porteurs d’espérance pour les jeunes et les entreprises. Rejeté par la droite comme par la gauche, isolé au milieu d’un patronat plus soucieux de ses intérêts de classe que de ceux de leur communauté de travail, j’ai subi les foudres de tous les clans, souvent solidaires entre eux dans la corruption. Si je reconnais aujourd’hui mon échec, je ne renie aucune de mes convictions. Je constate que la France continue à se dégrader et que la gauche comme la droite continuent de mentir au peuple de France. Les partenaires sociaux restent encore trop figés, sauf la CFDT. Mais ce même peuple écoute encore les promesses démagogiques des uns et des autres et élit toujours le meilleur menteur. Je suis étonné de voir que certains présentent Sarkozy comme le seul sauveur possible du pays, alors qu’avec l’UMP il a mené pendant 10 ans une politique désastreuse pour la France. Je suis affligé de voir François Hollande n’avoir d’autre souci que de faire l’inverse de ce que faisait Sarkozy. Ce n’est pas digne d’un président. Une nouvelle fois, je suis en osmose avec François Bayrou quand il écrit : « Je suis intransigeant dès qu’on touche aux pauvres, aux faibles, à ceux à qui la vie n’a offert ni privilèges ni protections. Il m’est insupportable que les puissants considèrent comme leur privilège de faire plier les faibles…La démocratie, ce n’est pas la domination sans limite de la majorité, c’est la protection des minorités…Si l’on veut que le pays progresse, il faut que ces nuances puissent s’exprimer. C’est là, dans les rangs de ceux qui refusent de se plier à la loi du gang d’un bord ou du gang de l’autre, que se situent les plus novateurs. C’est ainsi non seulement que des consensus pourront se nouer. Mais c’est aussi ainsi que le pays avancera, plus vite et plus loin, que par les zélateurs des sentiers battus ».
Au moment où la justice enquête, une nouvelle fois, sur les comportements des plus hautes personnalités de gauche et de droite, il me semble possible que des français de bonne volonté se lèvent et crient haut et fort leur rejet de cette guerre mortelle entre gang de gauche et gang de droite et leur rejet des extrêmes. Cela implique aussi que les médias soient à la hauteur de leur mission. J’en appelle au courage de tous ceux qui acceptent de prendre des coups pour défendre la vérité, au lieu de trouver le calme à l’abri de leurs silences qui deviennent vite compromission. Le péché par omission est sans doute le moins visible, mais il est le plus dangereux.
Jacques JEANTEUR