Des signes positifs à côté de craintes très fortes
L’annonce faite par le roi du Maroc, Mohamed VI, d’une nouvelle constitution soumise au peuple marocain par référendum le 1er juillet est un nouveau signe positif dans ce monde arabe qui manifeste partout sa volonté de liberté, de démocratie et de justice. La nouvelle constitution assurera le passage d’une monarchie exécutive vers une monarchie constitutionnelle et parlementaire. Elle instaurera l’indépendance de la justice et donnera de nouveaux pouvoirs au 1er ministre, dont celui de dissoudre le parlement. Il sera choisi au sein du parti ayant remporté les élections législatives. Elle posera le principe de l’égalité entre hommes et femmes et, celui de la liberté de conscience. Globalement bien accueillie, même si une frange de la population réclame une étape supplémentaire, cette avancée démocratique ne pourra pas laisser indifférents les autres pays du Maghreb, dont l’Algérie en premier. Simultanément s’ouvre à Tunis le procès par contumace de Ben Ali avec 93 actes d’accusation, dont 35 seront déférés devant la justice militaire. En Egypte, le procès de Moubarak et de ses fils démarrera début août. Ce sont là des signes très positifs de l’avancée de la démocratie et des droits de l’homme dans cette région méditerranéenne.
Mais, tous les tyrans ne sont pas tombés. Il reste notamment Kadhafi en Lybie et Al-Assad en Syrie qui continuent de tuer sans aucune restriction. Ces 4 dictateurs étaient jusqu’au début de la révolte populaire des amis de la France. Ils étaient des acteurs privilégiés de notre politique méditerranéenne. Heureusement qu’Alain Juppé a su imposer une nouvelle politique, plus digne de la France. Comme l’écrit Jacques Julliard dans « Marianne » : « Partout, des foules véritablement héroïques, affrontant à mains nues la police et les unités spéciales des régimes en place. D’ores et déjà, le printemps arabe a sa place aux côtés de la Révolution françaises dans l’histoire de la liberté du monde et, ses victimes tombées sous les balles des assassins, sont accueillies dans le grand martyrologue des peuples révoltés contre leurs tyrans ». Il parle du jeune syrien de 13 ans disparu le 24 avril lors d’une manifestation syrienne, dont le corps a été rendu un mois après à sa famille, supplicié, mutilé, émasculé. Il devient un symbole pour le peuple syrien comme Mohamed Bouazi immolé par le feu a été le ferment de la révolution tunisienne. Comme le dit l’éditorialiste du « Monde » : « La répression du printemps syrien obéit à une exception dans le monde arabe : elle se déroule à huis clos. A l’image de nombre de ses villes, le pays est cerné, bouclé, interdit à la presse étrangère, dont les derniers représentants ont été expulsés ou empêchés de travailler ». Le bourreau Al-Assad peut donc enlever, torturer, exécuter à sa guise, pour maintenir un niveau de terreur digne de celle des rafles des juifs sous Hitler. Le drame pour le peuple syrien est la position géographique de leur pays, qui a des frontières avec Israël, mais aussi l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Turquie. Cela y rend plus difficile une intervention militaire. Jacques Julliard précise : « Israël compte sur la dictature syrienne pour maintenir une paix armée sûre et sans histoire ; la Turquie pour contenir la pression kurde ; le Hezbollah libanais, pour assurer la communication avec le grand protecteur iranien. Et, surtout, l’Iran lui-même, pour renforcer sa suprématie sur toute la région. Un effondrement de la bande de tueurs qui terrorise le pays depuis 40 ans - mais ses voisins n’en ont cure - obligerait chacun à sortir de son immobilisme et, de cela, aucun ne veut. Plutôt mille injustices qu’un seul désordre. Telle est l’éternelle devise de toutes les démocraties. A tort. Car, depuis que le vent de la démocratie a soufflé sur la région, la sanglante dictature syrienne n’est pas seulement un crime qui se perpétue : elle a cessé d’être une solution ». En attendant que Kadhafi et Assad puissent être arrêtés et traduits devant un tribunal international pour crime contre l’humanité, il convient de tout faire pour les étouffer économiquement, récupérer leurs biens mal acquis pour les rendre à leur peuple.
L’exemple du Maroc est porteur d’un grand espoir et il faut le soutenir, sans réserve, même si l’on sait qu’il ne représente qu’un bout du long chemin vers la liberté et la justice. Nicolas Sarkozy a été clair : « La France appuie pleinement cette démarche exemplaire ». Je pense que cette phrase résume bien la pensée d’une très grande majorité de français, qui espère, en plus, que cette démarche fera tâche d’huile, notamment en Algérie. François Ernenwein dans « La Croix » dit justement : « La somme de ces enchaînements récents marque une implication plus forte de Paris au Maghreb ; dans cette zone où les contrastes s’accusent, il reste d’ailleurs encore une très belle carte à la France : celle d’une puissance capable de faciliter les projets communs entre ces pays proches. Quand on sait le mal qu’ils ont à se parler ».
Jacques JEANTEUR
Mouvement Démocrate