Dominique Baudis, un grand humaniste européen
La famille centriste est en deuil à la suite du décès de Dominique Baudis, à 67 ans. Journaliste de télévision, grand reporter, présentateur du 20h de TF1 de 1977 à 1980 puis sur FR3 de 1980 à 1982, il a eu ensuite une carrière politique très riche. De 1984 à 2011, il a alterné ses fonctions de député français et de député européen. Il fut le premier président élu de la région Midi Pyrénées de 1986 à 1988, comme Bernard Stasi, son ami, pour la Région Champagne-Ardenne. Dominique Baudis a surtout été le grand maire de Toulouse de 1983 à 2001. Il avait pris la succession de son père Pierre Baudis, maire de 1971 à 1983, et lui aussi élu député et député européen. Il a été président du CSA de 2001 à 2007, puis président de l’Institut du monde arabe. Après avoir démissionné de tous ses mandats, il prend le poste de défenseur des droits en juin 2011.
Cet homme a incarné au plus haut niveau ce qui fait la grandeur de l’élu, celui au service de ses concitoyens et non au service d’un clan ou de l’argent. Comme l’a très bien dit François Hollande dans l’hommage national aux Invalides, « Ce qui donne un sens à l’existence de Dominique Baudis, c’est qu’il a fait le choix, toujours le choix de servir en toute circonstance, et surtout en toute liberté, la dignité humaine ». On a longtemps parlé des 3 B : Baudis, Bayrou, Bosson. Ils se sont connus au milieu des années 70, lorsque j’ai adhéré au CDS. Tous les trois étaient unis par les valeurs profondes de l’humanisme européen. J’y ajouterai volontiers Bernard Stasi et Philippe Douste-Blazy, celui à qui il a confié la mairie de Toulouse en se retirant en 1983. François Bayrou, très ému, a dit : « C’était quelqu’un de profondément fidèle en amitié, fidèle à ce qu’il croyait, fidèle à ses valeurs, secret, c’était une part de sa liberté. On ne se quittait pas et on ne s’est pas quitté. C’est pourquoi aujourd’hui, cela serre la gorge ». Il fût l’un des piliers du CDS, parti démocrate chrétien présidé successivement par Jean Lecanuet, Pierre Méhaignerie et François Bayrou. Ce parti s’intégra ensuite à l’UDF. Ayant été longtemps membre du bureau politique du CDS puis de l’UDF, je me souviens très bien des interventions mesurées de Dominique Baudis. C’était un vrai plaisir d’écouter les échanges entre Baudis, Bayrou, Bosson, Douste-Blazy et Stasi. Chacun avait son charisme, mais tous étaient profondément unis sur les valeurs humanistes européennes de liberté, de solidarité et de responsabilité.
Dominique Baudis restera aussi comme l’homme politique qui a été victime en 2003 d’une terrible rumeur dans l’affaire du tueur en série Patrice Allègre. Accusé de proxénétisme, viol, meurtres et actes de barbarie par des prostituées toulousaines, il avait révélé lui-même cette rumeur sur TF1 et clamé avec force, émotion et courage son innocence totale. Il avait affirmé sa confiance en la justice. Celles qui l’avaient calomnié seront condamnées à 2 et 3 ans de prison en mars 2009 pour dénonciation calomnieuse. Il écrira le journal des heures douloureuses dans son livre « Face à la calomnie » en 2005. Les médias, à l’exception notamment de « La Croix », avaient trop vite soutenu la rumeur pour vendre leur journal ou pour gagner à l’audimat.
Pour moi, Dominique Baudis restera l’un des rares hommes politiques à ne pas avoir cédé aux sirènes du pouvoir. Il était, je me souviens, l’homme politique préféré de ma maman. C’était un homme totalement libre, exigent mais très respectueux des droits de chacun, passionné par le service des autres et notamment des plus faibles. C’était aussi un européen convaincu et militant. Il a notamment emmené la liste d’union UDF-RPR aux européennes de 1998 où il a terminé en tête avec près de 26% des voix. J’aime voir comment ces grands humanistes prennent part concrètement à la défense des plus faibles. Dominique Baudis était défenseur des droits. Bernard Stasi était médiateur de la République. Philippe Douste-Blazy a été Président d’UNITAID, organisation internationale d’achats de médicaments pour les pays les plus pauvres. Il a publié en 2013 un livre passionnant : « La solidarité sauvera le monde ».
Si les centristes pleurent le départ de Dominique Baudis, ils ne sont pas démunis, car ils gardent au fond d’eux-mêmes les valeurs qu’il a défendues avec ténacité et courage. Les prochaines élections européennes du mois de mai, seront l’occasion de réaffirmer ces valeurs qui ont été la ligne directrice de l’engagement politique et humain de Dominique Baudis.
Jacques JEANTEUR