L'exemple de la coalition allemande
Près de 3 mois après les élections législatives, l’Allemagne va avoir son gouvernement et il sera de coalition. Quelle belle leçon pour notre pauvre France engluée dans la médiocrité de nos responsables politiques de gauche comme de droite. L’assemblée de 630 membres élue le 22 septembre comporte 311 députés de droite (CDU-CSU), 192 députés de gauche (SPD), 63 députés verts et 64 députés d’extrême gauche (Die Linke). Angela Merkel a eu un franc succès avec 41,5 % des suffrages pour son parti, mais elle n’a pas eu la majorité absolue. Depuis 2009, elle a réussi à faire baisser le chômage à 5,2 % (France 11,1 %, UE 10,9 %) et il s’est créé en Allemagne 1,9 millions d’emplois. Les membres du parti social démocrate (SPD) viennent de ratifier à plus de 75 % le programme de coalition avec l’Union Chrétienne Démocrate (CDU-CSU). Angela Merkel sera donc réélue chancelière mardi avant de se rendre à Paris mercredi, et à Bruxelles jeudi. Elle arrivera en position de force, face à François Hollande qui a perdu toute crédibilité.
Cette coalition s’engage sur un programme de gouvernement sur 4 ans. Parmi les grandes mesures qui sont prévues, il y a la création d’un salaire minimum horaire à 8,50 € en 2015, mais qui ne sera appliqué à l’ensemble des branches professionnelles qu’en 2017. Il faut rappeler qu’en plus de l’Allemagne, l’Italie, la Suède, le Danemark, la Finlande, l’Autriche et Chypre n’ont pas de salaire minimum. Parmi les autres pays qui ont un salaire minimum, les écarts sont colossaux. Ils vont de 159 € brut par mois en Bulgarie, à 1 874 € au Luxembourg, 1 430 € en France, 1 190 € en Angleterre et 753 € en Espagne. Environ 17 % des salariés allemands gagnent moins de 8,50 € de l’heure, ce qui prouve que ce n’est pas le paradis pour tout le monde outre Rhin. La coalition prévoit aussi d’instaurer en 2017 un minimum vieillesse mensuel de 850 €, et d’accorder un supplément de retraite aux mères de famille. Les salariés ayant cotisé 45 ans pourront partir en retraite à 63 ans au lieu de 65 ans. Là aussi on mesure le retard de la France sur le sujet des retraites. Les deux partenaires s’engagent à ne pas augmenter les impôts et à atteindre l’équilibre budgétaire en 2015. L’accord prévoit 23 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur quatre ans, dont 5 milliards pour la formation et l’enseignement supérieur, 3 milliards pour la recherche et le développement et 5 milliards pour les infrastructures. La sortie du nucléaire en 2022 reste l’objectif officiel et la part des énergies renouvelables devra atteindre entre 55 à 60 % d’ici 2030. Un péage autoroutier pour les seuls étrangers va être mis en place en 2014.
Dans un long article, Frédéric Lemaître, correspondant du « Monde » à Berlin, décrit la réussite d’Angela Merkel : « Ses prédécesseurs divisaient les Allemands, Angela Merkel, elle, les rassemble. D’où le surnom de « Mutti » qu’elle a fini par gagner. Telle une mère de famille, en effet, Angela Merkel protège et rassure ses compatriotes. Les rend fiers aussi ». Fille de pasteur, élevée en Allemagne de l’Est avec rigueur, elle a su éveiller une popularité très forte qui dépasse largement son parti. Au lieu de vouloir faire toujours l’inverse de ses prédécesseurs, comme c’est le cas en France, elle sait faire la part des choses et prendre ce qui est bon chez les autres. Elle a succédé en 2005 à Gerhard Schröder comme chancelière à la tête d’une coalition CDU-CSU/SPD, les deux grands partis étant au coude à coude (226 sièges contre 222). Au lieu de faire l’inverse de ce qu’avait initié le chancelier socialiste avec son Agenda 2000, elle l’applique. Elle ne craindra pas de dire plus tard en 2012 devant son congrès de la CDU: « Je le dis très simplement et clairement : l’agenda 2010 était une bonne chose. C’est pourquoi nous l’avions soutenu lorsque nous étions dans l’opposition. Sans notre soutien au Bundesrat, il n’aurait pas pu avoir force de loi ».
Franz Olivier Gisbert dans un récent éditorial du « Point » parlait de couper les barbelés et écrivait ce que je défends avec force : « Sans imaginer déjà un gouvernement d’union nationale, comme celui du Général de Gaulle en 1958, le temps n’est-il pas venu, devant la dépression nerveuse nationale, de mettre au moins en œuvre des majorités d’idées ? La droite a pléthore d’hommes ou de femmes d’état en magasin, notamment François Fillon, Alain Juppé, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquier. Ils ont une pensée, une éthique et des choses à dire. Pour régler enfin nos problèmes, ne pourraient-ils pas jeter, un jour, des ponts vers François Bayrou au centre et jusqu’à Manuel Valls ou François Rebsamen à gauche ?...De grâce, l’heure est trop grave : coupons les barbelés ». L’exemple de la coalition allemande devrait nous faire réfléchir.
Jacques JEANTEUR