La réforme des collectivités locales
La réforme des collectivités locales, qui est en cours de discussion au Parlement, présente des dangers sur certains points et ne va pas assez loin sur d’autres. Avec la réforme de la taxe professionnelle, également en cours, nous assistons à une mise sous tutelle par l’Etat des collectivités locales. L’exposé des motifs du projet de loi fait une analyse lucide et objective de la situation actuelle. Les lois Deferre de 1982 ont initié le processus de décentralisation, qui s’est accentué ensuite en plusieurs étapes. Au lieu d’une décentralisation claire et complète, nous avons assisté à des empilements de transferts successifs, sans véritable cohérence, et sans que les transferts de moyens de l’Etat soient à la hauteur des besoins. L’Etat aurait du réduire d’autant ses compétences et ses personnels, mais tel n’a pas été le cas. Dans le domaine de la Formation professionnelle, par exemple, les régions ont la compétence entière, mais l’Etat a sans cesse mis sur pied de nouveaux dispositifs publics qui venaient compléter ou contrer les programmes régionaux de formation.
L’Etat n’a jamais accepté l’autonomie des régions. Nicolas Sarkozy veut, sous une apparence de simplification, contrôler les politiques locales. Alors que le rôle de l’Etat aurait dû se limiter à assurer l’équité entre les différents territoires, il a aidé au développement des collectivités les plus riches au détriment des plus pauvres. C’est ainsi que la Champagne-Ardenne a reçu au cours des dernières décennies environ 1 milliard d’euros de fonds publics en moins, par rapport à la moyenne nationale par habitant. En ne voulant pas trancher entre le département et la région, l’Etat a favorisé les financements croisés, empêchant les projets autonomes.
Le projet de loi prévoit de réorganiser les collectivités autour de deux pôles, un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalités. Dans le concret, la loi prévoit de créer 3 000 conseillers territoriaux qui remplaceront les 4 182 conseillers généraux élus au scrutin uninominal à deux tours et, les 1 829 conseillers régionaux élus au scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire de 25%. Au global, il y a bien une réduction de moitié des élus, mais on aura des conseils généraux réduits et des conseils régionaux agrandis. Par exemple, en Champagne-Ardenne, il y a 49 conseillers régionaux pour 146 conseillers généraux. Cela devrait donner 73 conseillers territoriaux. Les mêmes élus pourront siéger le lundi à la région et le mardi au département. Cela ne permettra pas une véritable dynamique régionale. La région en sortira donc affaiblie.
Le projet de loi prévoit que seules les communes garderont une compétence générale. Concrètement, cela veut dire que les départements et les régions ne pourront plus cofinancer des actions qui ne seront pas de leur compétence stricte. Le problème se posera surtout pour l’Etat qui fait de plus en plus appel aux régions pour cofinancer ce qui est de sa compétence propre. Ainsi, le TGV ou l’université ne pourront plus être cofinancés par les régions, les départements. Ce qui semble évident sur le papier risque de l’être moins sur le terrain.
Enfin, le scrutin prévu est une atteinte frontale à la démocratie représentative. Le scrutin uninominal à un tour empêche la parité et exclut les minorités. Certes 20% sont réservés à la proportionnelle, mais c’est insignifiant et cela crée deux catégories d’élus locaux, ce qui est très malsain. La volonté de mainmise de Nicolas Sarkozy sur toutes les collectivités territoriales est évidente. On quitte doucement la République au profit de l’Empire, plus ou moins totalitaire. Il ne restera plus qu’à le rendre héréditaire. Pensons à Jean Sarkozy !
Jacques JEANTEUR
Conseiller régional MODEM