Le boulet rouge des Verts
La manière dont les verts ont négocié leur accord de législature avec le PS relève plus de la magouille que de la défense de convictions. La presse unanime a fait ressortir l’échange honteux du nucléaire contre quelques dizaines de circonscriptions. Ce sont Cécile Duflot et Martine Aubry qui ont mis au point ensemble ce marché de dupes, qui risque d’affaiblir fortement la candidature de François Hollande, mais aussi l’image de la France à l’extérieur. En fait, les verts sont des partenaires beaucoup plus extrémistes que les communistes. Ils sont plus rouges que verts, et plus réactionnaires qu’écologistes. L’écologie n’étant pas partisane, ils ont fait un hold-up sur le sigle à des fins partisanes. Claude Allègre, homme de gauche, ne craint pas de dire : « En tant qu’ancien ministre socialiste, je considère cet accord comme une félonie allant à l’encontre de ce qu’ont fait François Mitterand et Lionel Jospin... Les Verts ont toujours été fous. Ils sont semblables au Front National, de l’autre côté de l’échiquier politique, posant les bonnes questions et donnant les mauvaises réponses ».
J’avais trouvé que la position initiale de François Hollande sur le nucléaire était respectable, en disant qu’il fallait, à l’horizon 2025, faire passer la part du nucléaire dans la production énergétique de la France de 75% à 50%. Le grenelle de l’environnement visait déjà à porter la part des énergies renouvelables entre 20 et 25% en 2020, sachant que l’hydraulique et les autres énergies renouvelables représentent actuellement 14% et les énergies fossiles (gaz ou pétrole) 10%. Ces propositions permettaient au débat sur le nucléaire de se dérouler sereinement et intelligemment. La grande majorité des français est favorable au maintien du nucléaire, tout en souhaitant que les efforts se poursuivent pour améliorer encore la sécurité des centrales et, le traitement des déchets. La majorité souhaite simultanément que les énergies renouvelables (éoliennes, solaire, biomasse…) se développent progressivement et de manière compétitive. En introduisant l’oukase de l’arrêt total du nucléaire, les verts ont fait du terrorisme, auquel le PS n’aurait jamais du céder. Eva Joly a le profil d’une révolutionnaire froide. Elle ne peut pas être dans la course du second tour. Il n’y avait donc aucun intérêt électoral à céder à ses injonctions. La démocratie lui permet de s’exprimer. Cela est sain. Mais, il est sain aussi de permettre à l’intérêt général de prendre le pas sur les intérêts partisans. La cacophonie de ces derniers jours au sein la gauche sur le nucléaire nuit profondément au débat fondamental sur les sources d’énergie et sur les économies d’énergie indispensables. La riposte de Nicolas Sarkozy parlant de retour à la bougie est tout aussi caricaturale et n’engage pas le débat. Je comprends la lutte d’Eva Joly contre les lobbies, mais l’indépendance énergétique de la France va très au-delà du lobby d’Areva et d’EDF. Elle-même pourrait être accusée d’être soumise aux lobbies des entreprises d’énergies renouvelables. En parlant de ses alliés PS, avec lesquels les verts envisagent de gouverner, elle ne craint pas de dire : « Il pèse désormais sur les socialistes le soupçon d’être du bois dont on fait les marionnettes et, on ne me fera pas croire que c’est bon pour la politique ». Tous ces dérapages verbaux nous éloignent du vrai débat sur l’évolution souhaitable des sources d’énergie. Les allemands ont cédé devant les verts pour décider de l’arrêt total du nucléaire qui ne pèse chez eux que 22% alors que les centrales au charbon, beaucoup plus polluantes et émettrices de CO2 pèsent plus de 40%. Ce n’est pas un modèle à suivre.
On ne peut limiter le débat au seul volet écologique. Nous payons en France notre électricité beaucoup moins chère que dans beaucoup d’autres pays, grâce à l’énergie nucléaire, ce qui est un facteur évident de maintien d’un tissu industriel gros consommateur d’énergie. Nous avons aussi des milliers de personnes qui travaillent dans la recherche et qui font progresser de manière importante la sécurité. Nous ne devons pas oublier que notre pays est arrivé au nucléaire civil par le nucléaire militaire. Un sous-marin nucléaire est en soi une petite centrale nucléaire. Personne n’en parle, mais la sortie du nucléaire civil devrait impliquer aussi celle du nucléaire militaire. On peut estimer à 400 000 les emplois dans le secteur, dont 125 000 emplois directs. Les verts disent que le développement des énergies renouvelables compenserait largement en termes d’emplois l’arrêt des installations et des constructions de centrales nucléaires. Pourquoi ne pas développer l’emploi dans toutes les filières. Je pense que la sagesse consiste à maintenir un niveau important d’énergie nucléaire, en renouvelant progressivement une partie de nos centrales avec des centrales de nouvelle génération, comme les EPR et, qu’il faut simultanément développer la part des énergies renouvelables, notamment la biomasse et les éoliennes maritimes et terrestres. Cela exige une régulation forte et constamment adaptée aux progrès des connaissances en matière de sécurité. Les installations françaises sont parmi les plus sûres, mais elles doivent encore s’améliorer. Le traitement des déchets nucléaires est sans doute le problème le plus important, mais des progrès très importants sont faits et on peut imaginer leur réutilisation. Nous devons garder notre indépendance énergétique en diversifiant nos sources de production, mais aussi en améliorant sans cesse leur rendement et leur sécurité. Actuellement, nous exportons pour 25 milliards d’électricité d’origine nucléaire et de savoir faire dans le domaine nucléaire. Une réduction trop forte et trop rapide chargerait dangereusement la barque de notre dette. Il faut aussi prendre en considération cet aspect.
Enfin, il faut donner la priorité aux économies d’énergie de toute nature. Un ménage allemand consomme environ 30 % de moins d’énergie qu’un ménage français, selon Jean-Louis Bal, Président du syndicat des énergies renouvelables. Nous pouvons encore progresser dans l’isolation de nos bâtiments, dans la consommation de nos véhicules, mais aussi dans notre lutte contre le gaspillage (éteindre en sortant d’une pièce, baisse de la température dans les pièces inoccupées…). J’espère que le débat sur le nucléaire ne sera pas enterré par le piteux accord politicien et électoral entre le PS et les verts-rouges. Il mérite mieux que cela.
Jacques JEANTEUR
Mouvement Démocrate