Maisons du Handicap – A l’instar des Ardennes, les recours contentieux contre l’Etat se multiplient.

La loi du 11 février 2005 a créé dans chaque département un lieu unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées : la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). Celles-ci offrent un accès unifié aux droits et prestations prévus pour les personnes handicapées. Hélas, là aussi l’Etat n’honore pas ses engagements.
« Les maisons départementales des MDPH sont en danger » alertait il y a un an l’Assemblée des départements de France. En cause, le fait que l’Etat n’ait pas versé de compensations financières pour les postes non mis à disposition ainsi que le non abondement des fonds départementaux de compensation. La secrétaire d’Etat, Valérie Létard, conseillait alors aux élus de puiser dans les réserves constituées au titre de la prestation de compensation du handicap pour les réinvestir, tant dans le fonctionnement que dans le fonds de compensation. Le 31 juillet dernier, Nadine Morano, secrétaire d’Etat de la Famille et de la Solidarité, a annoncé laconiquement le versement de 10 millions d’euros supplémentaires. En l’absence de précision, il devrait s’agir d’un remboursement des sommes dues pour 2008. Total ? Partiel ?
16 millions voire 34 millions de dette – Il s’agit du remboursement des crédits compensatoires dus par l’Etat en 2008 pour ses agents non mis à disposition (postes dits « en fongibilité asymétrique » et « vacants »). Or, à partir des données fournies par 70 structures, l’Association des directeurs de MDPH a estimé le montant de la dette de l’Etat à 16 millions. « Le compte n’y est pas constate sa présidente, Christine Dupré. Pire l’écart va se creuser, alors que nous pourrions tout à fait établir des constats conjoints MDPH-directions départementales sur la réalité des sommes dues ».
Fin 2008, face à une situation bloquée, une quinzaine de MDPH avaient émis des titres de recettes pour obtenir le paiement des sommes dues, ces titres ont été rejetés par les comptables publics. Celle des Ardennes – 75 000 euros à récupérer pour 2008 et 112 500 € attendus pour 2009 – a été la première à déposer plainte contre l’Etat devant le tribunal administratif ; celles du Finistère et de Seine et Marne lui ont emboîté le pas ; fin octobre, un quatrième recours était engagé par la MDPH de Paris pour récupérer une dette de 600 000 €. Les MDPH du Loiret et de la Haute-Garonne pourraient suivre. « Dès que l’argent entrera dans nos caisses, nous arrêterons le contentieux », commente le directeur ardennais Igor Dupin.
Les MDPH sont toutes confrontées à la même situation ; une enquête de l’Association des directeurs de MDPH, auprès de 65 établissements, révèle qu’à la fin de l’exercice 2009, le montant cumulé de la dette de l’Etat pourrait s’élever à 34 millions.
L’essoufflement des équipes – Environ dix des agents mis à disposition de la MDPH du Val-d’Oise ont rejoint en juillet dernier leur administration d’origine, sans que l’Etat ait prévu de compensation. Le Conseil général pallie ces départs et recrute, « ce qui nous a permis de réduire considérablement les délais de traitement des dossiers, mais l’équation reste difficile à résoudre, d’autant que la pression des usagers est forte, note la directrice, Roselyne Masson. Aujourd’hui, je redoute un essoufflement des équipes, qui ont déjà fait beaucoup d’efforts ».
C’est dans ce contexte que se poursuit la construction de la Maison de l’Autonomie des Ardennes à Charleville-Mézières. Ce très gros chantier débuté en décembre 2008 pour une durée de deux ans au minimum, qui occupe le 55 de l'avenue Charles de Gaulle, constitue l'un des plus ambitieux projets d'équipements au service de la population ardennaise.
Le Département précurseur – C’est bien aux associations de handicapés que s'adressera, en tout premier lieu, la future Maison de l'Autonomie des Ardennes. Personnes handicapées et personnes âgées disposeront là d'un guichet unique pour répondre à leurs besoins. La structure, qui devrait ouvrir fin 2010 - début 2011, rassemblera en effet aux côtés de la MDPH le pôle Handicap-Vieillesse du territoire de Charleville-Mézières Centre Ardennes (relevant de la Direction des Interventions Sociales Ardennaises) et le CLIC de Charleville-Mézières. C'est un chantier ambitieux pour les Ardennes. Il place notre Département dans le peloton de tête des initiatives publiques novatrices en faveur d'une pleine intégration dans la société des personnes handicapées et, plus largement, de toutes les personnes en perte d'autonomie.
Le coût des travaux s'élève à 4,36 millions d'euros, financés à 100% par la collectivité départementale. Avec au total 1 900 m² de surface de locaux, dont 700 m² rénovés de l'actuelle MDPH, c'est l'un des plus importants chantiers publics conduits en 2009 dans les Ardennes. En voulant ainsi aller plus loin dans sa démarche que beaucoup d'autres départements, en choisissant d'anticiper sur la convergence personnes âgées-personnes handicapées, le Département des Ardennes a voulu faire preuve d'une nécessaire ambition publique, au service de toutes celles et de tous ceux que notre pays a décidé à juste titre d'intégrer pleinement à la communauté des citoyens.
8% des Ardennais ont un dossier ouvert à la MDPH - Il n'y a que deux départements en France qui ont ainsi déjà jeté les bases d'une Maison Départementale de l'Autonomie : les Ardennes et le Morbihan. Présenté comme un projet précurseur lors de la cérémonie de pose de la première pierre, sa philosophie a été déclinée en ces termes : « Il faut que la France adopte une politique globale de l'autonomie. Il ne faut pas que cette maison soit celle de la fusion des souffrances. Il faut que la personne handicapée y soit considérée comme un acteur possible de la société au milieu des autres. Quand on rend accessible, on offre de la liberté. C'est ça la fraternité : voir en l'autre un égal en valeur à soi-même ».
Il y fut également rappelé que 22 000 Ardennais ont un dossier ouvert à la MDPH, soit près de 8% de la population et, près de 1 000 décisions individuelles sont prises chaque mois. Le nombre des demandes augmente, les exigences de tous sont chaque jour plus fortes pour que la qualité du service s'améliore. C'est pour faire face à ces enjeux que le Conseil général a mobilisé d'importants moyens en terme de ressources humaines, mais aussi par le concours de ses services et sous forme d'investissements.
Cette cérémonie ne pouvait évidemment pas se terminer sans que s’exprime de vifs regrets puisqu’en parallèle comme il est dit précédemment, les moyens mis à la disposition du Groupement d’Intérêt Public (GIP) - gestionnaire de la MDPH - par l'Etat en 2006 ne sont pas maintenus à due concurrence des engagements pris !
Cet exemple, parmi tant d’autres, montre que malgré le désengagement permanent et tous azimuts de l’Etat, ses recommandations de puiser dans les réserves dont il ne dispose plus lui-même, c’est le moins que l’on puisse dire, et, dans un contexte économique difficile, il est quand même possible d’aller de l’avant en assurant l’avenir sans le compromettre. Qu’on se le dise !
Michel TONON
MoDem Ardennes