Retraites - Plan gouvernemental - Analyse et commentaires

Publié le par modem08

83480105La présentation mercredi dernier par le gouvernement du projet de réforme des retraites, a donné lieu à la publication de la position du Mouvement Démocrate par rapport à ces propositions. Celle-ci est consultable sur le site national du MoDem ou sur le blog ami en cliquant sur l'un de ces liens : http://www.mouvementdemocrate.fr/actualites/modem-reaction-reforme-retraites-160610.html ou sur le blog ami : http://blog.pleclercq.fr/ 

 

Comme en 2003 chacun a compris que le problème n'était pas résolu, aujourd’hui encore voilà des demi-mesures que l'on va faire passer pour une réforme et qui, à nouveau, ne servent qu'à reculer pour mieux sauter, puisque la solution était et demeure dans le financement des retraites pour nos jeunes générations.

 

En effet, où peut-on discerner une quelconque véritable réforme autrement dit des dispositions profondes, sérieuses et durables en la matière, sinon deux « mesurettes » qui au regard du déficit à combler (45 milliards d’euros) rapporteront à peine 2,6 milliards d’euros ; à savoir : l’élévation de 40 à 41 % de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu (+ 230 millions, soit 600 millions) ; prélèvement sur les revenus du capital (+ 1,1 milliard, soit 2 milliards). Cet apport, sans commune mesure avec le déficit structurel, est trop faible et trop tardif pour ne serait-ce qu’apaiser les esprits.

 

En revanche, l’alignement sur le privé du taux de cotisation des fonctionnaires, ce qui en soi n’est pas critiquable, apportera 4,9 milliards d’euros et, surtout, en travaillant jusqu’à 62 ans, les salariés qui ont déjà travaillé longtemps, c’est-à-dire ceux qui sont entrés dans la vie active avant l’âge de 20 ans, contribueront à eux seuls pour 20 milliards d’euros aux caisses de l’assurance vieillesse, soit environ 25 milliards, c’est près de dix fois plus que les citoyens les plus aisés.

 

Un premier constat s’impose donc : la disparité – le mot est un euphémisme – entre l’effort consenti par les uns et par les autres. Il est par ailleurs plutôt question d’injustice.

 

L’alignement des régimes - Comme le dit si bien Olivier Ferrand, Président de la fondation Terra Nova, alors pourquoi ne pas le citer : « … les mesures proposées ne servent qu’à réduire le déficit. De plus, le gouvernement évite aussi de s’attaquer aux inégalités de l’actuel système, par exemple l’existence de 38 régimes de retraite obligatoires qui rendent illisible l’enjeu politique et pénalisent les « polypensionnés », ceux qui changent de métier et d’employeur et, qui seront pourtant de plus en plus nombreux à l’avenir. Il a renoncé à la réforme « systémique », qui correspond pourtant à la demande de lisibilité et de liberté de choix exprimée par les Français, en particulier les jeunes. Or, on sait maintenant gérer techniquement, dans un régime de répartition, des comptes individualisés. On n’a pas le droit d’en priver les générations futures ». C’est ainsi qu’on n’a pas osé non plus corriger vraiment les inégalités public-privé. Hormis l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, encore que policiers, douaniers, pompiers et surveillants de prison, pourront, eux, continuer à partir à 52 ou 57 ans sans avoir à passer une visite médicale et, la hausse des cotisations, salariés et fonctionnaires continueront à calculer leurs droits à la retraite différemment : « vous comprenez, il aurait coûté plus cher d’aligner » dixit le Ministère du Travail. Certes, mais comment les élus justifieront-ils un traitement de la pénibilité très différencié chez les uns et les autres ; « nous avons vérifié que le service actif est toujours bien adapté » explique Georges Tron, Secrétaire d’Etat à la Fonction publique. Les ouvriers de l’automobile, les maçons, les caissières de supermarché et ceux qui ont travaillé dans des milieux pollués et dangereux n’ont pas droit la même sollicitude, sachant que dans le privé, il faudra justifier à 60 ans d’une incapacité de travail d’au moins 20 %. Le critère est tellement restrictif que seulement 10 000 gueules cassées de l’industrie devraient en bénéficier chaque année.

 

L’affrontement intergénérationnel - Au surplus, voici venir le conflit des générations. C’est effectivement la première fois que les thèses du sociologue Louis Chauvel suscitent l’intérêt du grand public et des politiques. Il est rejoint par le fondation Terra Nova ou par l’économiste libéral Alain Cotta qui pourfend la domination des rentiers et des vieux sur l’économie. Par Libération aussi, qui vient de faire sa une sur « les baby-boomers, enfants gâtés de la retraite ». Même si ce n’est qu’une moyenne qui masque d’énormes disparités, les statistiques montrent qu’on compte moins de pauvres chez les seniors que chez les jeunes et, les retraités d’aujourd’hui vivent mieux que les actifs. Les retraités ont quelques avantages fiscaux : une CSG plus faible et un abattement de 10 % pour frais professionnels, plafonné à 3 000 €, mais qui n’a pas de justification. Leur suppression rapporterait 5 milliards d’euros. Un pas que le gouvernement n’a pas osé franchir pour des raisons électoralistes alors qu’il ne présentait quasiment aucun risque, notamment de désordre social.

 

Pour l’heure, l’affrontement intergénérationnel ne dépasse pas le stade du débat intellectuel. En sera-t-il de même dans dix ans, quand quadras et trentenaires découvriront le véritable hold-up que s’apprête à commettre Eric Woerth en s’appropriant les 35 milliards d’euros du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) ? Ce Fonds devait être le trésor qui assurerait le financement des pensions au-delà de 2020, pour amortir la bosse démographique des années 2020-2040. Hélas, le gouvernement s’apprête à brader ces bijoux de famille, afin de financer dès 2011 le déficit creusé par la crise. Et ce jusqu’à 2018, année théorique du retour à l’équilibre ! « Un coup de bonneteau d’autant plus scandaleux que ces sommes étaient destinées à des dépenses certaines, car liées à des naissances plus nombreuses », s’emporte Michel Sapin, ex-ministre socialiste de l’Economie. Certes, le transfert du FRR à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) permettra au gouvernement d’afficher à l’égard de Bruxelles une baisse fictive d’un point et demi de son déficit en compensant deux ans de trou de la Sécu. Mais ce sera au détriment des générations suivantes, auquel le FRR devait apporter 2,3 milliards d’euros par an. Les cotisants nés après 1962 sont donc condamnés à la double peine. Le plan échafaudé, dont Woerth affirme qu’il assurera « le déficit zéro à partir de 2018 » apparaît déjà comme un trompe-l’œil, tant il prévoit des recettes sujettes à caution, notamment l’apport de 1,4 milliards supplémentaires de cotisation de l’assurance chômage en 2018. Inéluctablement, les pouvoirs publics seront donc condamnés à préparer une autre réforme… en 2018. « On sera alors confronté à un nouveau gouffre financier » prédit Olivier Ferrand ; gouffre qui entraînera des mesures encore plus injustes que le précédent. Mais qu’importe : Sarkozy aura (peut-être) été réélu entre-temps. Et il ne pourra pas briguer un troisième mandat.

 

Il est donc parfaitement clair que les mesures proposées par le gouvernement renforcent les inégalités entre riches et pauvres, entre privé et public et entre jeunes et vieux, mais hélas pas seulement car l’injustice de ces mesures ouvre bien d’autres failles dans le corps social français.

 

D’autres failles - Le report accéléré de l’âge de départ – plus de quatre mois chaque année de 2011 jusqu’en 2018 – va créer, selon Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT, « une injustice entre travailleurs du même âge. Prenez la situation de deux personnes nées en 1956. La première a commencé à travailler à 18 ans, elle travaillera 44 années pour obtenir une retraite à taux plein. La seconde est entrée dans la vie active à 21 ans, elle devra travailler 41 an et demi [durée minimale de cotisation] ». Quant aux carrières longues, il faudra avoir commencé à travailler à 17 ans et, durant 43 années pour en bénéficier. Ils seront 50 000 par an. Pourtant les Français ayant commencé à travailler bien avant leurs 20 ans, sans passer par l’enseignement supérieur, sont encore 55 % chez les quinquas et, ils ne seront quantité négligeable qu’à partir de la génération née en 1970.

 

Pour comble, toutes ces mesures ne garantissent que la résorption du déficit duRetraite Woerth système de retraite à l’horizon 2020. En clair, c’est la « réforme » de toutes les injustices sans certitude de pérennisation. Le principe selon lequel « gouverner c’est prévoir » devient aujourd’hui « gouverner c’est apurer les comptes », belle perspective pour nos jeunes qui devront régler la note de nos incuries.

 

Enfin, aussi acceptables soit-elles, certaines dispositions vont servir d'alibi pour faire avaler le tout, et, une fois de plus, pour leurrer le bon peuple en lui laissant accroire comme en 2003 que le système de retraite par répartition est sauvé. Une fois encore la communication n’a pas été négligée ; la com, toujours la com, il n'y a plus que cela qui vaille. De nos jours tout est superficiel, en politique il n’y a rien qui ne compte davantage que l’élection ou la réélection, pas même le respect humain.

                                                                             Michel TONON

                                                                           MoDem Ardennes

Publié dans Société

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