UN NOUVEAU DEPART
La semaine passée a permis à François Hollande d’entrer dans le vif du sujet, tant sur le plan interne qu’au niveau international. La passation de pouvoir a été globalement réussie et a montré instantanément le nouveau profil du locataire de l’Elysée. Incontestablement, ce fût nettement mieux qu’il y a cinq ans. Seule ombre au tableau, la rancune clairement affichée à l’encontre de Nicolas Sarkozy dans son discours inaugural et dans son manque de courtoisie démocratique sur le perron de l’Elysée. On sentait un homme blessé qui rejetait celui qui l’avait humilié et abaissé au cours des mois précédents. C’est dommage pour un Président qui se veut rassembleur. En revanche, sa visite à l’Institut Curie, et son hommage rendu aux chercheurs et à l’innovation, sont un signe fort qu’aucun Président, par le passé, n’avait fait.
La nomination de Jean-Marc Ayrault comme premier ministre, m’apparaît comme une décision sage et de bon augure pour les premiers mois du quinquennat. Le fait que Martine Aubry ne fasse pas partie de l’équipe gouvernementale permet d’espérer une politique moins sectaire et une ouverture plus large sur la réalité économique. Si le code de déontologie signé par chaque ministre est une véritable rupture avec les comportements passés, où la corruption avait eu une place de choix, il faut regretter la pléthore de ministres. Trente-quatre ministres autour du 1er ministre, c’est beaucoup trop et, il faut espérer que le deuxième gouvernement, qui sera nommé après les élections, sera plus resserré. On retrouve dans cette nomination la critique que l’on peut faire à tous les exécutifs de gauche : satisfaire le maximum d’amis proches. On le voit avec les dix-sept adjoints à la mairie de Charleville, alors que dix permettraient une gestion plus efficace, et on le voit avec les onze vice-présidents du Conseil Régional, alors que nous étions sept en 1986, et que la région était aussi bien gérée. Même si la baisse des salaires des ministres et la limitation de leurs conseillers, est une bonne chose, leur nombre abusif est une mauvaise chose. Il est désormais souhaitable de rentrer vite dans l’action avec des ministres confirmés par le suffrage universel. La nomination de Manuel Vals au ministère de l’intérieur me semble une bonne nouvelle. J’avais voté pour lui aux primaires socialistes. S’il est souhaitable que François Hollande et Jean-Marc Ayrault aient une majorité pour gouverner, cela ne doit pas être un alibi pour élire des incapables ou des corrompus. Il faudra donc être très vigilant localement.
Sur le plan international, je considère que François Hollande a réussi parfaitement son intégration parmi les plus grands de ce monde. Le calendrier des sommets internationaux lui a permis de rencontrer en quelques heures, après sa prise de fonction, les principaux interlocuteurs européens et mondiaux. Incontestablement, son élection et son engagement de campagne vont infléchir les politiques d’austérité et vont amener Angela Merkel à plus de souplesse et d’humilité. Il est urgent de prendre en compte les plus pauvres de notre Europe et de faire contribuer les plus aisés, qui sont, à coup sûr, ceux qui ont le plus profité de la vie à crédit de leurs pays. C’est le cas des plus riches des grecs, dont l’église orthodoxe, qui ont mis leurs biens à l’ombre et ont refusé de participer au redressement du pays alors qu’ils s’étaient enrichis, grâce notamment à l’absence presque totale d’impôts. Il semble que Barack Obama et François Hollande aient des convergences de vue sur l’équilibre nécessaire entre réduction des dépenses publiques et relance par la croissance. Par ailleurs, les nominations de Laurent Fabius au quai d’Orsay et de Pierre Moscovici à Bercy sont des gages de sérieux. Ce dernier a dit clairement, dès jeudi : « Il faut réorienter la construction européenne, non pas pour tourner le dos à la responsabilité budgétaire…Je veux dire les choses de manière très claire : François Hollande l’a toujours dit, il faut que nous combattions la dette publique, que nous réduisions les déficits, que nous sécurisions la situation de la France. ». Il n’y a donc pas, pour l’instant, de motif à ne pas faire confiance au nouveau Président et à son premier ministre. Un pays ne peut se redresser que dans la confiance et le rassemblement. Les clivages exagérés entre le PS et l’UMP, ont coûté trop cher à la France, pour que l’on poursuive dans cette voie suicidaire. Il faut donc une majorité raisonnable mais non hégémonique et, une opposition raisonnable et ne jouant pas avec le feu. Ni la majorité, ni l’opposition n’ont eu ce comportement raisonnable au cours du quinquennat précédent. François Hollande n’a jamais dévié de sa ligne de conduite depuis le début de sa campagne. Il a voulu un pouvoir apaisé et une France réconciliée. Faisons lui confiance, tout en étant très vigilant, et en sachant lui rappeler ses engagements de rassemblement, de modestie, de justice et d’économie dans les dépenses publiques.
Jacques JEANTEUR