L’aveuglement de la cupidité
Ma libre opinion du 9 mai 2005 s’intitulait : « La provocation des grands patrons ». Je parlais du départ de Daniel Bernard de Carrefour et je disais déjà : « Au niveau du complément de retraite cela représente plus de 2 000 ans de Smic brut. Comment peut-on raisonnablement accepter de tels dérapages ? Si la motivation d’un grand patron est l’argent, à ce niveau là c’est qu’il est indigne de la fonction. Le 5 juin 2006, ma libre opinion s’intitulait : « Une société juste ». J’y parlais du scandale des primes de départ d’Antoine Zacharias et, notamment de celle de 500 ans de Smic qu’il avait osé réclamer pour le rachat juteux des autoroutes du Sud de la France, bradées par le gouvernement. Le 4 février 2008, je traitais de la spéculation financière et je dénonçais « tous ceux qui ont cherché à s’enrichir en spéculant plutôt qu’en travaillant ». Barack Obama a eu le courage de dire : « Ce qui scandalise les gens, c’est qu’on récompense des dirigeants de leur échec, surtout quand c’est le contribuable qui subventionne la récompense. ». Il était donc urgent de remettre de l’ordre dans la maison humaine et de faire cesser ces injustices qui peuvent aboutir à une révolution violente. Le sommet du G20 semble s’y être décidé et c’est une bonne nouvelle. Le comportement indécent de quelques patrons cause un préjudice à tous les autres patrons de petites ou moyennes entreprises qui assument tous les risques pour des revenus corrects, mais à des années-lumière de ceux des banquiers et des patrons des grands groupes. La consanguinité des conseils d’administration des grandes banques et des grands groupes est une des causes de ces dérives.
Philippe Askenazy, dans « Le monde de l’économie » explique la dérive du salaire maximum. « Pour attirer un meilleur manager, il suffit donc de verser un salaire supérieur à celui offert par les autres entreprises. La référence n’est donc plus la performance absolue du dirigeant, mais la rémunération à laquelle il peut prétendre ailleurs…Pour que la rémunération des grands patrons baisse significativement, il faudrait que l’ensemble des groupes qu’ils dirigent se coordonnent pour la diminuer simultanément ». Cela semble utopique, tellement l’argent rend fou. Seule, une conscience individuelle et collective pourrait limiter les dérapages que nous avons connus. Dominique Quinio dans « La Croix » écrit à ce sujet : « Si, devant la crise économique qui frappe nos pays, chacun ne fait pas preuve de rigueur, de responsabilité, il est illusoire de penser que la cohésion sociale en sortira grandie ou que se comblera le fossé entre des Français d’en haut (de très haut) et tous les autres ».
Des comportements scandaleux comme ceux de certains grands dirigeants sont le terreau d’une révolution. Ces quelques dirigeants cupides sont aveugles et ne mesurent pas la jalousie sociale exacerbée qu’ils suscitent. Les sanctionner n’est que justice et mesure de salubrité sociale. Envisager la fixation d’une rémunération maximum n’a rien de choquant.
Jacques JEANTEUR
Conseiller régional MODEM