Réapprendre le mot « moins ».

Publié le par modem08

                                                                                 Lundi 31 mars 2008

Depuis plus de cinquante ans, nous vivons dans la société du « toujours plus » et nous considérons que le mot « moins » doit être banni de notre vocabulaire. Au cours des siècles précédents, les guerres remettaient les compteurs à zéro et les périodes qui suivaient étaient par définition des périodes de croissance, car de reconstruction. Pour la première fois, nous ne sommes plus en guerre et le monde occidental ne subit plus de destructions massives, aussi bien sur le plan humain que sur le plan matériel. Nous ne connaissons donc plus la valeur du mot « moins », c'est-à-dire la perte ou la destruction de sa famille, de sa maison, de son entreprise… Le principe des avantages acquis nous pousse à considérer que nous ne pouvons que progresser et que la régression est impossible. Or, le mot récession réapparaît dans les débats. Il va falloir remettre nos pendules à l’heure.

Les entreprises se trouvent dans une concurrence mondiale endiablée et les revenus n’ont jamais été aussi importants pour les grands groupes internationaux. Les choix de leurs dirigeants se font désormais au profit des actionnaires et au détriment des communautés de travail. Nous sommes passés de l’entreprise productrice de biens ou de services à l’entreprise financière. Les actionnaires ne sont plus les créateurs d’entreprise, mais des fonds de pension qui donnent la priorité absolue au rendement financier sur le développement humain. On veut faire toujours plus avec moins de personnes. L’entreprise tend à se déshumaniser.

Nous ne savons plus qu’additionner et multiplier, mais nous avons oublié la soustraction et la division. Le « plus » n’est pas uniquement porteur de bonheur et d’espérance, car il entraîne souvent le « moins » chez les autres. L’humanité a un rythme de croissance qui n’est pas à deux chiffres et la forte progression de revenus exigée par les uns entraîne presqu’automatiquement une forte régression chez d’autres. La course au bien-être personnel ne se fait souvent qu’au détriment du partage et du bien-être collectif. Il nous faut donc nous préparer à ne pas toujours avoir plus. Cela veut dire qu’il faut éviter tout gaspillage, aussi bien sur le plan écologique que sur le plan financier. Nous devons accepter l’idée que nous ne pourrons pas toujours satisfaire nos envies. Nous devons être très heureux de ne plus avoir de guerres, mais nous ne devons pas considérer pour autant que la croissance est éternelle. Nous devons nous préparer à remettre en cause nos modes de vie. Ce n’est pas une catastrophe si cette remise en cause est collective. Ce qui est insupportable, c’est de voir les profits des uns grimper à la verticale alors que les salaires des autres stagnent ou régressent. Se remettre en cause n’est pas une preuve de pessimisme ou de défaitisme. C’est porter un regard objectif sur la réalité et se préparer à l’affronter. D’une épreuve on peut sortir enrichi, car l’expérience endurcit et l’effort redonne la capacité de se défendre. Entre rigueur et laxisme, il devient urgent de choisir la rigueur. Elle seule est porteuse d’espérance.

                                                                         Jacques JEANTEUR

                                                                    Conseiller régional MoDem

Publié dans Economie

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