Le Conseiller territorial ou E.T. dans les Territoires

Publié le par modem08

ET ou l'élu territorial

Les conseillers généraux et les conseillers régionaux vont disparaître en application de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 février 2010. A la prochaine échéance, en mars 2014, le conseiller territorial s’y substituera pour siéger à la fois au conseil général de son département d’élection et au conseil régional correspondant.


Mesure phare et emblématique de cette loi de réforme, l’institution du conseiller territorial fait partie des dispositions les plus controversées de la nouvelle organisation territoriale. Les arguments soulevés par les différentes saisines auprès du Conseil constitutionnel révèlent les questionnements des parlementaires, indépendamment des clivages politiques habituels. Les arguments, pour la plupart balayés sans ménagement par le juge constitutionnel qui a validé la loi dans son ensemble, visaient aussi bien le principe du conseiller territorial, que ses modalités de mise en œuvre, notamment électives.


Deux arguments méritent une attention particulière :


Une liberté de vote réduite - L’obligation faite aux électeurs d’élire, par un seul et même vote, une ou un candidat(e) appelé à siéger au conseil général et au conseil régional, les priverait de la faculté d’opérer un choix différent en fonction de son programme départemental d’une part et, de son programme régional d’autre part. En conséquence, comment l’électeur pourra-t-il sanctionner par un même vote des situations et des compétences aussi différentes et, probablement gérées aussi différemment, que celles existant dans les régions et les départements ? Quelle voie s’offre à lui, autrement que l’extrême politisation du scrutin territorial ou, au contraire, son extrême personnalisation ? Il est donc bien question, dès lors, de la liberté de vote des électeurs.


Une parité malmenée – Le mode de scrutin choisi - scrutin majoritaire uninominal à deux tours, porterait atteinte à l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux (Constitution, art. 1er.). Il est vrai que le scrutin majoritaire n’a jamais été considéré comme favorisant la parité. Le Conseil constitutionnel a néanmoins affirmé que les dispositions critiquées ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte à la parité, eu égard à la faculté que le législateur tient de la Constitution (article 34) de fixer le régime électoral des assemblées locales. Joli tour de passe-passe !


Seule la répartition des conseillers territoriaux a été sanctionnée par le juge. A l’appui du mode de scrutin mis en place par la loi, le législateur a annexé un tableau fixant la répartition des conseillers territoriaux par région et, par département à l’intérieur de chaque région. Le Conseil constitutionnel a jugé que la modalité selon laquelle toutes les régions dans lesquelles le ratio d’un département s’écartait de la moyenne régionale de plus de 20 %, en plus ou en moins, méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage (exit la parité !). C’est donc l’ensemble du tableau de répartition annexé à la loi qui a été déclaré contraire à la Constitution. La question de la faisabilité politique et parlementaire de ce tableau devra donc être réglée par le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, en instance d’examen au Sénat.


Sceller le couple région-département, tel est l’objectif général qui peut effectivement résumer la création du conseiller territorial. La représentation de ces deux niveaux de collectivités territoriales par une seule catégorie d’élus doit permettre de renforcer la coordination et la solidarité entre eux, à défaut de les départager et de ne pouvoir trancher, toujours des demi-mesures !


Etant composés des mêmes élus, régions et départements pourront mieux articuler leurs actions, en respectant leurs compétences et leurs spécificités, allons donc on s'enfonce ! C'est là où le rôle du conseiller territorial sera le plus lourd car, il devra être capable de penser « global » et « local » en même temps.


Global, lorsqu'il siégera à la région, pour « dire » ce que doit être l'intérêt régional qui s'attache à l'exercice de compétences requérant une « vision stratégique d'avenir » ; local, lorsqu'il siégera au département afin de développer une vision de proximité qui caractériserait les compétences départementales. Quand on constate, à quelques exceptions notables, la difficulté de déterminer un intérêt communautaire au sein des intercommunalités, on peut légitimement s'interroger pour la région demain ! Force est de constater que le conseiller territorial devra « muter », pour adapter sa pratique politique à l'extrême complexité dans laquelle il va devoir évoluer.


Se pose une question fondamentale : que sera le conseiller territorial ? Un élu d'un nouveau type, éloigné des seules préoccupations de proximité pour dire l'intérêt régional tout en bénéficiant d'une assise territoriale nouvelle ? Ou les pratiques spécifiques de tel ou tel mandat vont-elles prendre le dessus ? Le conseiller territorial n'aura-t-il comme seule préoccupation que sa réélection et donc son canton au détriment de la région ou, saura-t-il développer une logique régionale au risque parfois de délaisser ses intérêts spécifiques ?


La double vision nécessaire sera particulièrement exigeante pour cet élu qui, tel un Janus 1 territorial, aura deux visages, mais qui devra surtout développer une force et une capacité herculéenne pour y parvenir... un élu du 3ème.type, un « mutant » en quelque sorte ! Bref, E.T. dans les Territoires !

 

                                                                                   Michel TONON

                                                                              Mouvement Démocrate

1  En référence à ce Dieu à double visage de la mythologie romaine.


 

Dernière nouvelle du 13 octobre 2011 :
Les sénateurs vont débattre le 2 novembre de la suppression du conseiller territorial

Les sénateurs socialistes devaient demander mercredi soir 12 octobre 2011 l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de deux propositions de loi, dont l'une inclut la suppression du conseiller territorial, a annoncé François Rebsamen, président du groupe PS au Sénat (la seconde proposition concerne l'obligation de scolarisation dès l'âge de 3 ans, c'est un autre sujet).


« Nous voulons envoyer très vite un message aux élus locaux : nous voulons la suppression du conseiller territorial », qui doit remplacer le conseiller général et le conseiller régional en 2014 aux termes de la réforme des collectivités locales de 2010, a annoncé M. Rebsamen devant la presse.


La demande de suppression du conseiller territorial se fera sous la forme d’un amendement à une proposition de loi du socialiste Jean-Pierre Sueur, déposée le 19 septembre sur le bureau du Sénat.


L’inscription à l’ordre du jour de cette proposition – relative aux mandats des délégués intercommunaux – « va nous permettre de rouvrir le débat sur la réforme territoriale », a ajouté François Rebsamen.


Abrogation de la réforme – Les socialistes n’ont pas caché qu’ils voulaient l’abrogation de la réforme territoriale qui « doit être entièrement repensée », selon l’expression du président du Sénat, Jean-Pierre Bel.


Une des raisons de la victoire de la gauche aux dernières élections sénatoriales est le mécontentement des grands électeurs – donc des élus locaux – face à la réforme territoriale votée l’an dernier par la majorité.


La discussion de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur devait être inscrite, mercredi soir, lors de la conférence des Présidents, à l’agenda du Sénat le 2 novembre prochain.

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