La crise irlandaise

Publié le par modem08

280px-Topography of Ireland

Après la crise grecque, l’Irlande vit à son tour un cauchemar. Les irlandais passent d’une croissance exceptionnelle à une austérité forte et brutale. Le fameux « tigre celtique » qui avait forcé notre admiration vient de chuter et, l’émigration qui avait marqué l’histoire irlandaise est en train de repartir. On prévoit dans les quatre ans à venir le départ d’environ 150 000 personnes, soit 3,3% de la population totale de 4,5 millions d’habitants. Sa croissance annuelle qui avait été en moyenne de 6,7 % de 1998 à 2007 (soit 4,4 points de plus que la zone euro) a chuté brutalement à -7,6 % en 2009 et est remontée à 1,1 % en 2010. Les prix des maisons ont chuté de 40 % depuis leur sommet avant l’effondrement. Le taux de chômage a cru de presque 10 points pour atteindre 13,5 %, la demande intérieure s’est effondrée de ‑5% pour la consommation et -53% pour l’investissement. En fait, l’Irlande est entrée en récession dès le 1er trimestre 2008 et commence juste à en sortir. Le déficit budgétaire, qui était de 14,4 % du PIB en 2009, est passé à 32 % en 2010 et, la dette publique est estimée par la Deutsche Bank à 94 % du PIB. Cette même source estime celle de la Grèce à 130 %, celle de l’Italie à 118 %, celle de la Belgique à 100 %, celle de la France à 84 %, c'est-à-dire au niveau moyen de la zone euro.

L’Europe pour 2/3 et le FMI pour 1/3 viennent de décider d’apporter 85 milliards d’euros pour aider l’Irlande à ramener son déficit en dessous de 3 % en 2015. L’Irlande a tenu à utiliser ses propres réserves pour cofinancer le sauvetage de son secteur bancaire à hauteur de 17,5 milliards d’euros, dont une partie tirée d’un fonds national pour les retraites. Ces sommes sont  prêtées à un taux d’intérêt moyen de 5,8 %, alors qu’elle ne trouvait plus à emprunter en dessous de 9 %. Ces prêts devront être remboursés avant 2020. La Grèce qui avait obtenu un prêt de 110 milliards d’euros a obtenu le report de son remboursement à 2020, contre 2014 initialement prévu. Le grand débat est de savoir jusqu’où et à quelle vitesse, les pays en crise peuvent demander des efforts à leurs concitoyens. L’économiste Daniel Cohen, s’exprimait ainsi il y a une dizaine de jours dans « Le Monde » : « Quand les Etats s’engagent à revenir vers l’équilibre de leurs finances publiques, ils doivent pouvoir bénéficier de la solidarité financière des autres Etats. C’est d’ailleurs ce que l’on avait écrit avec l’économiste Richard Portes en 2004 : un pays engagé dans un processus d’assainissement budgétaire doit avoir le temps d’aller au bout. Pour cela, il faut qu’une instance - on pensait à l’époque au FMI - les accompagne en leur prêtant à des taux d’intérêt faibles. Pour la zone euro, c’est évidemment le schéma nécessaire. Il y aura sûrement des situations où l’on ne pourra pas empêcher la faillite d’un pays. Mais, cela arrivera le jour où ce pays jugera que l’effort qu’on lui demande pour s’ajuster est excessif et qu’il n’a pas envie de le faire. Une telle discussion aujourd’hui est prématurée ». Le plan d’austérité pour l’Irlande est fort. Il prévoit une baisse de 2,8 milliards des dépenses sociales, la suppression de 25 000 emplois publics sur environ 350 000, une réduction de salaire de 10 % pour les nouveaux fonctionnaires, la baisse du SMIC horaire de 8,65 € à 7,65 € (il est de 8,86 € en France), le relèvement de la TVA de 21 % à 23 % (19,6 % en France) et une augmentation de 1,9 milliards des impôts sur le revenu. Mais, l’Irlande pourra maintenir son taux d’impôt sur les sociétés à 12,5 %.(Il est de 33,33 % en France). C’est en effet l’un des moteurs essentiels de sa croissance. Dublin estime à 240 000 le nombre d’emplois créés par les entreprises étrangères. Cela heurte toutefois la volonté forte d’harmonisation fiscale à l’intérieur de la zone euro.

On peut comparer l’effort demandé aux Irlandais à celui demandé aux Français au travers du budget 2011 et de la loi sur les retraites. Par exemple, l’âge légal de départ en retraite en Irlande est de 65 ans. Comme en Irlande avant la crise du système bancaire liée à l’explosion de la bulle immobilière, la France pensait pouvoir échapper à des restrictions. Le peuple français semble conscient qu’il faille faire des économies sur les dépenses publiques et qu’il faille arriver à un équilibre des comptes sociaux, mais il veut que les politiques et les plus hauts revenus donnent l’exemple. Il en est de même en Irlande et en Grèce. La révolte est encore plus forte en Grèce où la crise est due à la corruption généralisée des responsables politiques, et à une économie parallèle alimentée par tous les grecs. Il faut partout en Europe, revenir à une gestion raisonnable et à une rigueur équitable. L’euro a permis de sauver les Etats en crise financière. Il doit être soutenu par une politique européenne plus stricte et plus fédérale. Il est la deuxième monnaie de réserve mondiale. 62 % des réserves des banques centrales dans le monde sont en dollars, 27 % en euros, 4 % en livres et 3 % en yens. La gestion de l’euro suppose des abandons de souveraineté et des réglementations bancaires au niveau de toute la zone euro. L’avenir dépend de l’entente et de la volonté commune du couple franco-allemand. La convergence souhaitée par Nicolas Sarkozy est une bonne chose, à condition que la France accepte de quitter définitivement le monde des cigales pour réintégrer celui des fourmis. L’Europe a été une chance pour la paix, elle doit maintenant devenir une chance pour sortir de la crise.

                                                                       Jacques JEANTEUR

                                                                     Mouvement Démocrate

 

Publié dans Europe

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article